Les professeurs :
* NOUVEL ARTICLE : Le discours de Monsieur Brondani Jean-Claude, parrain de la cérémonie
* NOUVEL ARTICLE : Qu’est ce que le JUDO?, extrait d’un ouvrage se souhaitant anonyme
* NOUVEL ARTICLE : Le dojo, par Koizumi Gunji
* Ma conception de la compétition, par Alain BINI
* Hommage à mon professeur, par Alain BINI
* De l’importance du UKE, ce qu’il faut retenir (extrait de l’Esprit du Judo)
* Autre réflexion, extrait de « l’élégance du hérisson » par Muriel BARBERY
Retrouvez aussi dans les archives, « le manifeste des professeurs de judo » par A. BINI et T. ROUQUETTE, et « la lettre à E. CHARLOT » (rédacteur en chef du magazine l’esprit du judo) » par A. BINI
Discours de Mr Brondani Jean-Claude, parrain de la cérémonie
« Le Judo est un sport que l’on peut considérer comme un art ou une philosophie. Sa pratique entraîne et stimule les facultés physiques et mentales. Il peut également être défini comme l’art de combattre sans armes, et comme le moyen, pour le faible, de vaincre le fort. Son étude ne peut être abordée à la légère.
JUDO se décompose en deux mots : « JU » qui signifie principe de la douceur et de la gentillesse, « DO » qui signifie la Voie, le Chemin. Le Judo est la voie de la douceur. Ainsi, la meilleure façon de l’emporter est de ne pas résister à la force, mais, au contraire, de lui céder apparemment pour, s’adaptant à elle, la détourner de son but et l’utiliser à son profit. Un homme très fort vous pousse, vous essayez de résister, il l’emportera, parce que si deux forces s’opposent, c’est la plus grande qui vaincra. Au contraire, n’offrez pas de résistance, cédez, il sera emporté par son élan et perdra l’équilibre, alors tirez-le dans le sens de sa poussée, il sera projeté avec une force proportionnelle à sa poussée et à sa rapidité.
Le Judo nous apprend à utiliser au maximum, et pour l’emploi le plus hautement efficace, toute notre énergie mentale et physique. Pour cela, la pratique nous montre qu’il faut, au même instant, les concentrer vers un seul et même but.
Ce principe n’est pas seulement valable en Judo, mais aussi dans toutes les manifestations de la vie.
FACULTES PHYSIQUES :
Le Judo se pratique, sous forme de sport, à toutes les époques de l’année. Il n’est jamais dangereux ou brutal. Les femmes, les hommes âgés, les petits garçons et les petites filles peuvent s’y adonner.
Le Judo constitue la culture physique la plus complète que l’on peut souhaiter, toutes les parties du corps entrent en jeu de toutes les façons, dans toutes les directions, et se développent harmonieusement en acquérant force et souplesse. Celui qui le pratique est, par surcroît, doté d’incomparables moyens de self-défense dont il aura peut-être un jour besoin, pour sauver sa vie ou préserver quelqu’un.
Le judoka acquiert rapidement un corps libre et alerte, entièrement développé, spontanément utilisable en toute circonstance.
FACULTES MORALES ET MENTALES :
Un judicieux et régulier entraînement provoque un sain épanouissement des facultés intellectuelles, un esprit prompt habitué à agir avec décision, un jugement équilibré et essentiellement pratique.
Un esprit de tolérance et de justice sont également, avec le contrôle de soi, les caractéristiques du bon judoka.
Par sa propre nature, le Judo donne à ceux qui s’adonnent sérieusement à son étude, un sens très sûr de la valeur des choses et de leur relativité, un sérieux et une pénétration d’esprit au-dessus de la moyenne, qui forge leur caractère et affirme leur personnalité.
Fin de citation.
« Le dojo, pour nous pratiquants de Judo, est une oasis dans le désert harassant du tumulte de la vie, libre de distinctions et de formalités, au point de vue social, racial, national, comme au point de vue politique et religieux.
C’est une communauté de pèlerins sur la route commune du progrès humain, chacun prêt à tendre la main à ceux qui sont dans le besoin. Il y souffle l’air frais de la satisfaction heureuse, accordée au rythme de la vie, libre et naturelle. »
Il me semble nécessaire que les parents ainsi que mes futurs élèves sachent comment je pense le Judo, afin qu’ils ne soient pas surpris par certains aspects de mon comportement, aussi je vais essayer, de manière concise, d’exposer mes idées sur la question.
Tout d’abord une technique de Judo, debout comme au sol, n’est pas magique ! Pour l’exécuter, et mettre ainsi un adversaire éventuel hors de combat, il faudra la maîtriser aussi parfaitement que possible, puis l’appliquer avec vitesse, force et détermination.
– MAÎTRISER –
Cela signifie, pour moi, faire un geste juste, biomécaniquement juste, autrement dit utiliser au mieux nos articulations et les muscles qui les entourent, afin qu’ils souffrent un minimum et avoir une efficacité maximum. Il faudra ensuite le répéter autant de fois qu’il sera nécessaire (toujours avec autant de justesse ) pour le rendre automatique, ce qui signifie arriver au point de ne plus avoir à penser «comment faire cette technique,» mais seulement «quand la faire».
Il n’est pas difficile de comprendre qu’il faudra, pour parvenir à cette maîtrise, imposer à son corps un certain nombre de contraintes, mais peut-on imaginer pouvoir manipuler le corps d’un éventuel adversaire, sans avoir un parfait contrôle de son propre corps ?
– APPLIQUER –
Espérer vaincre en appliquant une technique n’importe quand serait illusoire et hasardeux. Le Judo est un sport dynamique,l’adversaire se déplace, pour ce faire il avance et/ou recule le pied droit, et/ou le pied gauche, ou encore il se déplace latéralement vers la droite ou vers la gauche. Afin de placer son propre corps dans la position idéale pour la bonne exécution d’un mouvement (d’une prise), il va falloir se synchroniser ou se désynchroniser avec l’autre !
Il y aura même des moments où cet autre ne voudra pas bouger du tout, il faudra alors savoir comment le faire réagir pour pouvoir exploiter sa réaction.
Là encore il va falloir prendre le temps de mettre en place et automatiser des séquences en vue d’une plus grande efficacité.
– VITESSE –
Aller vite n’es
t déjà pas facile, mais aller vite et bien l’est encore moins !
Quelqu’un a dit (Victor Hugo, non, mais peut-être bien Confucius !) : si tu veux aller vite commence par aller doucement !
Partons du principe que, la maîtrise étant acquise, nous allons bien, il va falloir augmenter la vitesse pour surprendre l’autre ! Peut-être faire appel à une certaine catégorie de fibres musculaires ! Comment ? Par des exercices spécifiques au développement de ces fibres !Cela va sous-entendre de s’occuper également de la nutrition, du repos, du sommeil etc…!
– FORCE –
Il faut être fort, ne serait-ce que pour ne pas s’en servir !
Le renforcement musculaire va s’imposer. Cette force acquise au prix de durs efforts devra être mise au service de la technique. Ce sera facile pour certains, difficile pour d’autres, mais impossible pour personne !
– DETERMINATION –
On peut imaginer qu’en possession de la maîtrise, de la vitesse, de la force, la détermination ne sera pas bien loin, la confiance en ses capacités rendues évidentes par le travail assidu et opiniâtre aidera largement l’élève à accepter de se confronter, à affronter l’autre, et vouloir le vaincre !
Car la finalité d’un sport de combat est le combat, et la finalité du combat est la victoire, en restant conscient que s’il y a défaite ce sera parce que l’adversaire aura été meilleur à ce moment là, certain que vous serez d’avoir fait tout ce qu’il fallait pour vous donner toutes les chances de vaincre.
Je suis tout à fait conscient, et VOUS devez prendre conscience, qu’il faudra du temps pour installer toutes ces qualités, peut-être une vie, bien des moments de découragement viendront entamer la volonté de réussir, mais il faut absolument tendre vers, pour, un jour, posséder.
Que l’on appelle ça jeux d’oppositions ou autres pour calmer notre conscience d’adultes, dans l’esprit d’un enfant ou d’un adolescent la perception est : compétition !
Je pense qu’il faut atteindre sa plénitude en 3ème année junior puis en senior, avant, c’est de l’apprentissage tant physique que mental, car une recherche systématique, précoce, de résultats peut faire des ravages, et physiques et mentaux !
Là le problème de dosage se pose car pour un enfant ou un adolescent ce qui lui est demandé est toujours trop, ou pas assez, rarement ceux-ci ont conscience de l’équilibre. Je vais dire, en gascon que je suis, j’en demanderai un peu plus aux uns et un peu moins aux autres !
Quant aux résultats des compétitions, si une place de premier vient couronner les efforts faits en amont pour se préparer et l’investissement au moment des combats, c’est merveilleux, mais s’il y a défaite ce sera quand même un bon souvenir car ils auront fait ce qu’ils devaient et ce qu’ils pouvaient, ils seront donc tombés avec les honneurs devant un adversaire plus fort……..ce jour-là !
Pour en terminer avec le sujet, à vous parents : je vous en supplie, ne soyez pas pressés de voir vos enfants, adolescents, sur les marches d’un podium, le plaisir, la fierté, l’orgueil de ce moment là ne valent pas les remords devant un gamin anorexique, boulimique, dépressif, ou blessé, résultats souvent engendrés par un excès ou une perte de confiance en eux, car, sauf exception, si gagner très tôt s’installe dans la tête comme naturel, inéluctable, lorsque, plus tard, la défaite arrive (on rencontre toujours plus fort que soi) c’est l’abandon et la déprime !
Bien évidemment, je ne peux demander à un enfant ce que je demande à un adolescent ou un adulte.
Mais si une difficulté est abordée tôt, plus tard ce ne sera plus une difficulté, le problème est : comment, avec quels mots, avec quel ton, avec quels exercices aborder telle ou telle difficulté en fonction de l’âge, des capacités de compréhension, des capacités physiques, de l’engagement personnel, du sexe des élèves ! C’est là mon, notre, souci quotidien d’éducateur….sportif, de professeur, d’entraîneur, de coach ! Ce qui fait tout l’intérêt, le plaisir et la fierté d’avoir embrassé cette carrière.
Je ne peux garantir à toutes celles et ceux qui font ou feront du Judo à Cagnes sur Mer qu’ils seront des champions, et personne n’a ce pouvoir, mais je peux leur garantir que s’ils ont la volonté et la patience, tous sauront bien faire le Judo et auront un grand plaisir à le pratiquer, et peut-être que dans un certain nombre d’années, ils iront même jusqu’à reconnaître que le Judo a eu ou a une large part de responsabilité dans la construction du citoyen responsable et autonome qu’ils seront devenus !
Il m’est bien difficile de faire l’apologie de l’homme qui a contribué, grandement, à faire de moi ce que je suis ! Par pudeur ? Par égoïsme ? Je ne sais pas ! Ce qu’il m’est possible de dire c’est que depuis que je suis entré dans le dojo du Judo-club de Cannes, Rue des Batéguiers, en Février 1957, je ne suis plus sorti du Judo.
Quasiment un an après que Jimmy LABBE ait tarabusté mon père pour amener son fils, votre serviteur, au Judo, je poussais la porte du J.C.C, et c’était le premier contact avec Roméo. Naturel, sans effets superfétatoires, il m’a confié, comme c’était sa méthode, à une ceinture noire, Jacky COGNO, qu’il a chargé de m’initier aux chutes et à O soto gari , 1er de jambe !!!
Cet homme était, alors, encore, un combattant de qualité, instinctif, estimé et respecté de ses adversaires, dont beaucoup d’entre eux sont devenus ses amis. Roméo avait les yeux pétillants de malice, mais au-delà de la malice, c’est de sa vista qu’il faut parler : cette capacité de voir, au premier coup d’œil, ce qui n’allait pas dans votre exécution technique, et vous corriger. Plus tard, lorsqu’il nous emmenait sur les compétitions, au début il était aussi le poids moyen de cette équipe, il avait un art consommé pour nous fédérer, un peu à la manière d’un entraineur de rugby,(il avait joué ¾ aile dans sa jeunesse), avec des mots simples, forts, mais aussi de l’humour et de l’autorité. Je pense que je peux dire que je l’aurais suivi jusqu’au bout du monde, et je ne suis pas le seul !!
Lorsque j’essaie de comprendre ce qui me liait à cet homme, il me vient plein de mots, plein d’images, plein de sons, plein d’odeurs, mais je crois que je peux résumer cela en un seul mot : admiration ! Et pourtant, j’ai souvent rué dans les brancards, critiqué, mais je crois que, lorsqu’on a de l’admiration pour une personne, au point d’en faire une référence, un guide, on devient exigeant vis à vis de cette personne, c’est comme une résistance à l’addiction ! Alors que, si on pousse un peu la réflexion, on peut dire que c’était parce que cette personne était comme elle était, qu’elle nous a séduit !
Et puis, comme la fin de sa vie a provoqué chez moi, l’envie d’établir une sorte de bilan, je peux dire que le phénomène de mimétisme a joué : je viens du Sud-Ouest, mon premier sport fut le rugby, où j’apprenais à être demi de mêlée , puis mon professeur était aussi arbitre (continental), j’ai fait de même (30 ans de ma vie), puis j’ai lâché l’immobilier pour devenir professeur de Judo, certainement parce que mon professeur, Roméo DEGIOANNINI, m’a donné de cette profession, on peut dire de ce sacerdoce, une image telle que j’ai eu envie de l’imiter, et avec le recul, je confirme que si je peux faire avec un seul élève, ce que Roméo a fait avec moi, certainement sans le savoir, alors j’estimerais que j’ai rempli mon contrat et que je ne serai pas passé sur cette terre pour rien !
En fait je n’ai rien perdu avec le départ de mon professeur pour l’au-delà, car l’empreinte qu’il a laissée est à jamais indélébile ! Grâce lui soit rendue !
“La technique s’acquiert par la sensation. Pour progresser, il faut l’éprouver et l’éprouver encore.
Être Uke, c’est être précis sur son propre placement, être actif pour permettre à Tori d’avoir la meilleure sensation possible.
Toujours terminer son entraînement sur un bon mouvement, une bonne sensation.”
Pensée profonde n°3
Les forts
Chez les humains
Ne font rien
Ils parlent
Parlent encore
C’est une pensée profonde à moi, mais elle est née d’une autre pensée profonde. C’est un invité de papa, au dîner d’hier, qui l’a dit :
« Ceux qui savent faire font, ceux qui ne savent pas faire enseignent, ceux qui ne savent pas enseigner enseignent aux enseignants et ceux qui ne savent pas enseigner aux enseignants font de la politique. »
(…)
Mais moi, je crois que cette phrase est une vraie pensée profonde, justement parce que ça n’est pas vrai. Ça ne veut pas dire ce qu’on croit au départ. Si on s’élevait dans la hiérarchie sociale en proportion de son incompétence, je vous garantis que le monde ne tournerait pas comme il tourne. Mais le problème n’est pas là.
Ce que veut dire cette phrase, ce n’est pas que les incompétents ont une place au soleil, c’est que rien n’est plus dur et injuste que la réalité humaine : les hommes vivent dans un monde où ce sont les mots et non les actes qui ont du pouvoir, où la compétence ultime, c’est la maîtrise du langage.
C’est terrible, parce que, au fonds, nous sommes des primates programmés pour manger, dormir, nous reproduire, conquérir et sécuriser notre territoire et que les plus doués pour ça, les plus animaux d’entre nous, se font toujours avoir par les autres, ceux qui parlent bien alors qu’ils seraient incapables de défendre leur jardin, de ramener un lapin pour le dîner ou de procréer correctement. Les hommes vivent dans un monde où ce sont les faibles qui dominent. C’est une injure terrible à notre nature animale, un genre de perversion, de contradiction profonde.