Pour bien comprendre “dô”, qui se lit également “michi”, il faut garder
à l’esprit trois éléments indissociables.
Le premier nous est donné par l’étude de la graphie de ce caractère.
Celui-ci est composé de deux parties. L’une, la partie supérieure, est
un caractère en elle-même qui se lit “shu” ou “kubi”. Aujourd’hui, cela
signifie “le cou” mais, autrefois, il avait pour sens “la tête” ou “le
chef”, “celui qui dirige”. La seconde, constituée du reste du caractère
est ce que l’on appelle une “clé” et celle-ci a le sens de cheminement
de déplacement.
Ainsi, il s’agit de se déplacer dans la direction vers laquelle on est
tourné, dans laquelle on regarde ou vers celle que l’on nous indique,
nous explique.
Pour le deuxième élément, il faut s’intéresser à l’histoire de
l’utilisation de ce caractère au Japon. À l’époque des codes (VIIe~XIIe
siècle), “dô” ou “michi” désigne d’abord des axes de circulations vers
des provinces lointaines. Il ne s’agit pas du chemin concret qui relie
un point à un autre mais le fait de pouvoir s’avancer vers et à
l’intérieur d’une aire géographique délimitée par cette route et qu’on
ne découvre qu’au fur et à mesure de sa progression. Très vite, par
extension, ce terme désigne la zone géographique en elle-même puis, par
abstraction, un domaine particulier des activités humaines, une
spécialité comme les lettres ou le calcul. L’évolution sémantique se
poursuivant, “dô” et “michi” en viennent à désigner la méthode qui
permet d’accéder à cette compétence particulière mais aussi le principe
qui sous-tend celle-ci.
Le troisième élément nous fait remonter aux origines de la pensée
chinoise et notamment à Lao-Tseu qui dicte le Tao-tö-king, texte de
référence du Taoïsme, vers le IVe siècle av. J.C. Or, Tao n’est autre
que “dô / michi”. Lui le définit comme l’absolu sans nom vers lequel on
se doit de tendre. Cette définition est reprise par le néo-confucianiste
Zhû Xi (1130~1200), Shushi en japonais (cf. jû no ri), qui précise que
“dô n’est autre que le principe ultime”.
Ainsi, la notion exprimée par ce caractère serait le but indéfinissable,
l’idéal à atteindre, le Principe Universel contenu en chaque chose et
vers lequel tendent tous les principes particuliers.
Mais c’est le moine japonais Dôgen (1200~1253), dont le nom signifie
“Origine de la Voie” ou “Qui se base sur la Voie”, qui offre pour la
première fois une synthèse de ces trois éléments : le but et la pratique
ne sont qu’un.
“Dô / michi” est donc une notion dynamique de progression à l’intérieur
d’un domaine particulier indéfinissable que l’on ne découvre que par
l’expérience et la persévérance. Or, le particulier contient dans son
intégralité et son indivisibilité l’universel. Devenir un spécialiste et
poursuivre toujours sa route mène donc vers l’universalité et la
pratique permet à l’homme, de par l’expression de ce qu’il a de plus
profond en lui, de communier avec l’Univers.
Dans bien des cas, “dô” est bien mieux traduit par “domaine” que par
“voie”. Un domaine, une spécialité, où esprit et corps s’éduquent et
s’associent pour tendre vers un même but.