Saison 2006-2007 Deuxième voyage de Thomas
2 juin 2007, 20h30. Voilà presque 23 heures que j’ai décollé de Nice pour ce qui sera mon deuxième séjour à Tenri. Après une escale à Dubai – l’aéroport vaut assurément le coup d’œil de par son architecture et surtout de par son rôle de plate-forme de correspondance entre Orient et Occident – 1h30 de bus m’attendait encore d’Osaka pour Tenri. Problème : le bus nous dépose à un arrêt qui m’était complètement inconnu. J’y reviendrais.
Situé dans la plaine du Kansai, non loin de Nara, Kyoto et Osaka, Tenri est l’une des universités de judo les plus réputées du Japon.
C’est en juillet 2006 que j’ai découvert ce haut-lieu du judo japonais en compagnie d’un ami qui était venu y passer 7 mois entre 2000 et 2001. L’expérience avait été tellement enrichissante que je m’étais promis, lors de mon retour en France, de tout faire pour y retourner, si possible pour une durée plus longue.
Pour tout français désirant aller à Tenri, la personne à contacter se trouve être S. Hosokawa. Pilier de la fédération nippone, ancien champion olympique et champion du monde, ce dernier est bien connu en France, car il est venu observer, il y a de cela quelques années, le système fédéral de notre pays.
Ayant eu son accord pour revenir m’entrainer 2 mois, je contacte ensuite une tsumeyo (pension) pour me loger. Il en coûte en moyenne entre 1000 et 2000 yens par jour (entre 7 et 14€) pour la chambre, la douche et les repas. Le confort est spartiate : un futon, une couverture, une table basse, quelques cintres…En l’occurrence, c’est un ami suisso-japonais qui réservera pour moi pour le mois de juin, dans une tsumeyo où les français ont coutume d’aller, Nishinji.
Pour l’anecdote, on voit les fanions des équipes françaises passées par là accrochées au dessus de l’accueil (RCF, Marnaval, Lille, etc.).
Mais avant de rejoindre Nishinji il me fallait savoir où le bus m’avait déposé…c’est là que la politesse et la gentillesse japonaise commença, déjà, à se faire sentir. En effet, c’est une employée d’une pizzeria qui, voyant que j’étais un peu perdu, quitta son poste et m’accompagna à pied, pendant une vingtaine de minutes, jusqu’à ma pension.
Arrivé le samedi soir, je n’eus que le lendemain pour me remettre de mon périple, car les entrainements commencèrent pour moi le lundi, à 16h30. Cette heure n’est pas dû au hasard : en fait les judokas de Tenri ont des cours toute la journée et s’entrainent donc après, du lundi au vendredi. A noter qu’ils ont, aussi, un footing tous les matins à 06h30 (avant les cours). L’entrainement du samedi débute lui généralement à 09h30.
La coutume veut que les étrangers, lors de leur 1er entrainement, apporte des présents aux professeurs de Tenri en guise de remerciements. Les produits français (vins, etc.) sont très appréciés.
Tenri est une université qui accueille très souvent des étrangers. Ils sont en majorité français ou suisses (Katanishi, expert dans ce pays, est de Tenri). Durant ces 2 mois il m’est arrivé de voir un certain nombre de groupes de judokas français de passage, pour une semaine la plupart du temps. Beaucoup était issus de la région grenobloise ou savoyarde (le club de Grévisaudan par exemple).
De même j’ai retrouvé avec beaucoup de plaisir Marc Ueltschi, un judoka suisse rencontré l’année précédente et qui a la particularité d’avoir la double nationalité (suisse et japonaise) et de parler un japonais parfait.
J’y ai rencontré aussi un jeune judoka américain (20 ans), Brian, qui était là depuis avril et reste ici jusqu’au mois d’Avril 2008 !!
Nous avons eu l’honneur, durant la 1ère semaine du mois de juillet, de voir débarquer l’équipe de Corée du Sud pour une semaine. Elle venait préparer les championnats du monde de Rio.
Nous avons ainsi pu côtoyer Choi (le champion du monde 2003), mais surtout Jeon (champion olympique en 1996) qui fait maintenant partie de l’encadrement de l’équipe nationale.
L’ambiance était empreinte de respect mais aussi de défiance : les japonais et les coréens, pour des raisons historiques, ne s’apprécient guère. Nous avons donc eu le droit à des randoris parfois très rugueux.
A les voir pendant une semaine, je me suis rendu compte à quel point les coréens étaient des durs au mal : ils arrivaient avant tout le monde, faisaient des uchi-komi, faisaient 12 randoris sur 13, et après l’entrainement faisaient encore des uchi-komi à 3.
Le programme de l’entrainement est quasi-immuable : taïso (gymnastique) très rapide, chute avant, uchi-komi, le salut, 13 randoris de 7 minutes (une petite pause a lieu après le 10ème), le salut, les uchi-komi et le taïso. Pour l’anecdote, nous avons eu, un vendredi, entrainement à…06h du matin. L’équipe de l’université devait partir l’après-midi à Tokyo pour les championnats universitaires et les entraineurs ne voulaient pas sacrifier un jour de judo donc l’entrainement a eu lieu avant les cours. Ce qui veut dire à 05h30 sur le tapis histoire de se changer, de se strapper, de s’étirer un peu, etc…
Généralement, ce sont Shinichi Shinohara (l’adversaire malheureux de D. Douillet aux JO de Sydney) et Saburo Tosa (un grand espoir du judo japonais qui a dû arrêter le haut niveau suite à des problèmes cardiaques) qui dirigent l’entrainement.
Lors des premiers entrainements les judokas japonais sont invités par leurs professeurs à venir nous chercher pour faire les randoris. Mais cela disparaît assez vite : à Tenri il faut ne pas être timide et aller chercher les judokas japonais (après tout nous venons pour ça non ?) pour chaque randori.
Il faut bien savoir que les judokas de Tenri partiront, toujours, avec un apriori défavorable sur notre judo. Pour en avoir discuté avec eux, ils n’aiment que très modérément faire du judo avec des européens : trop de bataille de kumi-kata (les japonais n’apprécient pas du tout les gardes non classique col-manche), trop de mouvements dans les jambes et/où la force est privilégiée. Ce n’est qu’en pratiquant un judo classique, en se montrant respectueux des règles qui régissent les lieux et les personnes – tout en ne tombant pas dans une admiration béate -, en mettant des pions sur des mouvements de base, en étant réguliers aux entrainements (et pas s’arrêter à la moindre petite blessure)…et avec du temps que l’acceptation serait pleine, entière et respectueuse.
Il est de notoriété publique au Japon que les judokas de Tenri ont deux caractéristiques spécifiques : d’une part, ils sont particulièrement forts à la garde. Durant les 2 premières semaines d’entrainement il m’était quasiment impossible de mettre mon kumi-kata en place, en particulier au niveau de la manche. D’autre part les judokas de Tenri sont assez statiques lors des randoris. Or, si on rentre dans ce jeu là avec eux, nous perdons à tous les coups…car leurs tachi-waza (uchi-mata, morote seoi-nage entre autres) sont d’une précision et d’une explosivité diabolique. La moindre ouverture et c’est la gamelle quasi-assurée !!
Mais quel régal de travailler avec des japonais. C’est une sensation unique : au niveau de la souplesse, des prises de contact et de la fluidité. Il est extrêmement rare de se faire mal sur un pion mis par un japonais du fait, généralement, que tout est sous contrôle.
Pratiquez un judo classique et le plaisir est garanti… et croissant car l’accumulation de randoris transforme, par petites touches, notre judo d’européen.
Au niveau du kumi-kata, des opportunités à saisir dès qu’elles se présentent, de la précision de nos gestes, etc.
Comme il n’y a pas que le judo au Japon, Tenri est un endroit idéal pour qui voudrait apprendre de la culture japonaise. En effet, cette ville est située à 15 minutes en train de Nara, 1ère capitale historique du Japon, à 1h en train de Kyoto, 2ème capitale historique du Japon et plus belle ville de ce pays (aux dires des japonais eux-mêmes et des touristes). A visiter absolument le Kinkakuji Temple (ou Pavillon d’Or) et le Nijo Castle, qui était la résidence du Shogun. Enfin Tenri se situe à 1h30 d’Osaka la mégalopole de cette partie du Japon : 17 millions d’habitants. Pour nous changer les idées et décompresser un peu de la semaine de judo, nous allions souvent le week-end avec Marc dans le quartier branché d’Osaka : Namba. C’est l’équivalent de Chatelet-Les Halles…mais en 5-6 fois plus grand !! On y rencontre les jeunes japonais(e) branché(e)s occupé(e)s à dépenser leurs argents de poche dans des magasins de vêtements, de musique, de mangas, de chaussures,… A voir et à faire absolument. De même, pour nous recompenser de notre semaine de judo, nous allions souvent dans un petit restaurant situé juste à côté de l’Université et du dojo, fréquenté par tous les sportifs de l’Université qui s’appelle chez Tonioshi. C’est à la fois : copieux, pas cher et très bon.
Même si à la fin de mon séjour la fatigue physique et mentale se faisait cruellement sentir, un sentiment de nostalgie m’a très vite envahi quand je suis parti de Tenri. Hormis le judo la gentillesse et la politesse des japonais sont des choses auxquelles on s’habitue très vite…
L’année prochaine…peut-être !